samedi 24 février 2024

Agriculture

Memorandum destiné aux éditeurs France Inter

(initiative de mise en forme scientifique des équipes éditoriales de France Radio)


  • • On ne nourrira pas le monde avec du bio
  • • L’agriculture n’est pas du jardinage
  • • Les acteurs du terrain (les agriculteurs) et les habitants
  • • La main d’œuvre coûte trop cher

Etc.

Version lucide

  • • On a d’abord à faire venir des intervenants qui disent autre chose que ce que disent le FNSEA et la Confédération Paysanne – les lobbies industriels
  • • Il n’y a pas de conflit entre l’écologie et nourrir le monde
  • • L’agriculture est du jardinage
  • • Il faut avancer vers l’avenir – avec de la main d’œuvre humaine, sans machines motorisées
  • • Il n’y a pas de monde paysan – ce monde est l’affaire de tout le monde, fait par et pour tous

Explication

L’écologie : le climat, la biodiversité, les biorégion, l’eau, l’air, ce sont l’affaire de tous, le ménage des champs (l’agriculture), des bois, des bassins versants, des eaux, des jardins, des airs (la météorologie) ne sont que des manières de territorialiser l’affaire de tous.

Tout ce beau monde, ce sont ce que France Inter fait passer pour « le monde agricole ». Il faut arrêter de parler du monde agricole, d’exploitants agricoles, d’agriculture industrielle de production. La population de la France tourne autour de 67 millions, les agriculteurs autour de la moitié d’un million, une personne sur 136. Ils ne sont pas représentatifs de la population rurale et le monde rural n’est pas représentatif de la France, non plus.

Le gros de la population rurale, ce sont des touristes, des maisons dortoirs pour ceux qui travaillent, des endroits où on place des zones artisanales, industrielles et commerciales, les résidences secondaires qui restent vides, 9 mois sur 10, et des jardins d’ornement.

Ce qui fait que la campagne, le péri-urbain et la ville peuvent comporter des habitats absolument identiques, à une échelle mineure.

Lorsqu’on regarde les chiffres, sur la vaste majorité du territoire, les jardins potagers et productifs de biodiversité, les zones de maraîchage en polyculture, c’est 1,5 % de la surface (SAU). Les jardins domestiques échappent au calcul. Leur rendement annuel est supérieur, par unité de surface, au rendement de l’agriculture industrielle, les intrants see trouvent sur place (pas de transport), les apports en énergie sont minimales (énergie humaine). Il y a souvent une diversification de tâches entre plusieurs intervenants (couper le gazon, éplucher les légumes, etc.).

Comment comparer ce modèle à celui de l’agriculteur ? Il faut le comparer à chacune des tâches qui a été externalisé par l’agriculteur, plus le travail de l’agriculteur.

Chaque intrant de l’exploitant agricole a été fait par quelqu’un d’autre. En réalité, derrière chaque exploitant agricole il y a plusieurs personnes et plusieurs hectares d’êtres vivants.

Derrière chaque jardinier, il y a une pelle. Sa production échappe à l’économie monétaire, il la mange. Sa transformation échappe au fisc, il la met en bocal et il la mange.

Son temps de « loisir », il le passe souvent au jardin, un lieu également de sociabilité (la terrasse, sous la vigne). Il ne le passe pas dans un lieu où il faut payer sa sociabilité et sa consommation.

  • Au contraire, s’il travaille pour gagner de l’argent, c’est pour pouvoir passer plus de temps dans son jardin.

Il faut donc bien séparer les valeurs matérielles et humaines des valeurs économiques financiarisées conventionnelles. L’analyse macro-économique financière n’est qu’un sous-domaine de l’économie.

Le modèle de « travail humain manuel et consommation directe » qui échappe au fisc et à l’argent, est un modèle matériellement très productif et efficace, bien plus que le modèle industriel. Il est donc un modèle non-industriel, mais au niveau macro-économique très intéressant.

Puisque ce modèle non-industriel échappe, ou peut échapper, très largement, au monde de la monnaie et de la commercialisation, il peut favoriser de manière disproportionnée la partie de la population la plus pauvre – il peut les encourager à aimer la vie humble.

Donc, dans un monde financiarisé, il réduit le rendement financier.

Si la campagne est un champs de bataille sociale, actuellement, c’est que ce que l’on appelle l’agriculture s’est accaparé d’une bonne partie des terres, détournant la majorité de la population de l’engagement avec la terre, pour la diriger vers des activités qui dépendent du monde financiarisé.

En séparant les domaines artificiellement, on tord la vérité écologique. En parlant du transport, on ne parle pas des surfaces goudronnées et pavées, des routes et des trottoirs, des parkings qui font l’espace public, par exemple. De ces surfaces dépendent très largement les exploitations agricoles. Ils en dépendent parce que par là viennent leurs intrants.

En parlant d’agriculture, on ne parle pas de transport, ni de biorégion, et cependant, comme l’agriculture industrielle et paysanne dépend, vastement, des intrants qui viennent par la route et par tracteur, l’empreinte bio-productive de l’agriculture est surtout à l’extérieure de l’exploitation proprement dite. L’analyse s’applique aux lieux culturels, comme aux musées, à Disneyland, au cinéma ou à l’internet. Leur bilan écologique négatif vient surtout des communications, des transports et des hébergements des visiteurs, et non pas de leurs activités sur place. La réalité de la vie rurale est plus celle de la dominance du tourisme et de la consommation qu’autre chose.

AI et Drones

Notons que l’idée supposé futuriste où les machines nous enlèvent encore plus de travail « pénible » (physique), et où les drones, dirigés par des intelligences artificielles, administrent les doses d’adjuvants (insecticides) sans que l’on s’en occupe nous-mêmes, comme s’ils faisaient part de l’arrière fond de la nature, …

… est encore hypothétique, les coûts industriels de la fabrication, communication et motorisation de ces intelligences restent bien réels. Le monde industriel et bien trop là. L’injection anthropique (par l’humain) de végétaux, animaux, produits chimiques, métaux lourds, poisons, terraforming, incompatibles avec la biodiversité, dont nous, est connu de tous.

L’être humain, en soi, est relativement non-polluant, par rapport aux intelligences artificielles. Il n’est peut-être pas nécessaire de le faire consommer des produits faits avec des hydrocarbures fossiles. L’amalgame dans l’analyse entre l’effet anthropique présent et l’humain, en tant que tel, est incorrecte. La sociopathie collective est le contexte présent anthropique.

Le Mensonge Total

  • • La fabrique du doute
  • • Du Greenwashing
  • • Du traîner des pieds
  • • Stagnation des émissions par 2030 (moins 40 % est le cible)
  • • 80 % de la production Total reste fossile.

Le fait de centrer sur des accusations de greenwashing envers Total, l’entreprise, peut être mis en contraste avec le l’absence de contextualisation. Le mensonge total est collectif, dans son ambition. Chacun, dans sa voiture, accepte ou se résigne à faire l’équivalent à son échelle de Total, le géant.

Le mensonge est collectif, mais il n’est pas total. France Radio n’a aucunement la mission d’une ligne éditoriale d’auto-censure, à cet égard. Elle se déclare, d’ailleurs, résolument indépendante du politique. Le contexte de l’analyse est donné par l’interviewer. Il peut faire des mises en cause des chiffres et des présupposés des invités. Sinon il devient lui-même complice dans le mensonge total.

Par rapport à la représentativité des jardiniers, …
En Angleterre, la réunion annuelle des jardiniers remplace la réunion annuelle des agriculteurs, le salon de l’Agriculture, en importance politique. Le monde paysan est plutôt remplacé par le monde de jardiniers. Le jardin anglais est bien moins rectiligne et dénaturé que le jardin français, en général.

Il est important de ne pas faire d’amalgame. L’agriculture ne représente pas la campagne. L’élite urbaine domine très largement la campagne, aujourd’hui. Elle habite les deux mondes, grâce au réseau de transport routier et de communications à distance, grâce aux des effets transgénérationnels.

Parler des secteurs du tourisme ou de la culture, sans parler des flux routiers et logistiques qui les accompagnent, n’a pas de sens. Selon cette analyse, l’empreinte carbone des parcs et réserves naturels, par tête de population présente, est bien le pire. Il est pressant de changer de paradigme, vers un tourisme de production écologique plutôt que de consommation (destruction) écologique.

La campagne, la majorité de la surface de la France, est donc bien plus industrialisée, en termes de ressources déployées par tête de population présente, que la ville.

C’est une vérité qui échappe très largement à une trame d’analyse qui met les écologistes avec la nature et l’agriculture avec l’économie réelle. La polarisation qui nous touche à nous tous, dans nos vies, c’est celle entre le monde du vivant et le monde anthropisé version présente. Les deux ont tout-à-fait l’air d’être incompatibles.