dimanche 8 octobre 2023

Essais enfin du monde – carte de l’espace-temps


Memorandum : à usage strictement interne


étude : L’utilisation de l’Espace-Temps dans une petite ville de campagne-désert dans la ruralité industrielle française


Je vais la décrire, aux cartographes de la réaliser. Je m’excuse pour le mode constationnaire de l’écrit, c’est plus court et plus clair comme ça. C’est juste un effet de style pragmatique pour l’écrivain, pas pour le lecteur, qui peut le trouver exaspérant, sans doute. Certaines fautes cardinales ont été commises pour intimer que c’est peut-être une IA malajustée qui l’a écrit. A vous de juger, si vous voulez bien.

La carte principale consiste en une série de cercles de taille, remplissage et couleurs divergeants, parfois superposées et représentant l’occupation réelle humaine des lieux, tout lieu, en fonction de critères de temps d’occupation, profile des occupants, et ainsi de suite. Un bureau ne sera utilisé que pendant la journée ouvrable, par exemple. Un accueil de nuit ne sera ouvert qu’à l’hébergement du titulaire – autre exemple. La catégorie socio-économique des occupants de l’espace burotique sera celle de fonctionnaire moyen, etc. Le bureau aura un taux d’occupation de 20 % du tout-temps, disons, dans le meilleur des cas. Une salle de fêtes aura, typiquement, un taux d’occupation proche de Zéro, même quand on rajoute le co-efficient Karaoke, ou, encore plus impressionant, Bingo.

On pourrait toujours diviser le temps d’une journée en diurne et nocturne, suivant l’hypothèse que même un super-riche, endormi, n’a pas besoin de plus de place que celle qu’il occupe allongé pendant la durée de son sommeil. Cela pourrait donner des résultats plus productifs et réalistiques de l’espace occupé par rapport aux besoins. Je pense aux masures des paysans, à l’ancienne, qui ne s’utilisaient que pour dormir, puisque on était toute la journée dehors. Qui est dehors ? – autre question potentiellement fructueuse. Faut pas juger la qualité de ces habitats d’antan par les mêmes critères que celleux d’un?e troglodyte moderne nocturne, comme nous le sommes toustes devenu/es. A intégrer au calcul.

Un café spécialisé « habitués » et ouvert sans pause, lui, aura un taux d’occupation plutôt respectable, de l’ordre de 50 %. Il y a intérêt à faire figurer le nombre d’occupants à une période donnée et donc la densité d’occupation sera représentée aussi, je ne sais pas exactement comment. La taille du cercle réprésentatif augmentera ou diminuera, comme sur n’importe quelle carte pulsante qui tente de représenter la taille rélative des métropoles au niveau mondial, par exemple.

N’oublions pas que chaque carte est orientée autour d’un but défini, mais que chaque carte dépend aussi des données collatées et disponibles. Le census national, par exemple, à part le fait qu’il est presque toujours surannée, d’autant plus en période de fort changement climatique (fuites des réfugiés, catastrophes naturelles, etc.) fait que le taux d’occupation, ou de résidence, ou de domiciliation créent la vision de qui est chez soi, à la campagne – la population rurale supposée. La carte que je propose montrera que ces mesures sont caduques, parce qu’elles ne réflètent aucunement la réalité de cette occupation. C’est important, les revenus disponibles pour desservir les communautés de communes dépendent de ces chiffres qui sont susceptibles d’être manipulés, dans un sens ou un autre.

Et puis viennent les co-efficients. On peut correler la richesse – le revenu par exemple, des occupants de l’espace-temps de la petite ville. On verra que les bars centraux sont peuplés de personnes rélativements opulents, par exemple, et que les demeures de ces derniers auront un taux d’occupation de presque zéro, puisque quand ils ne sont pas au café, ils occupent plus l’espace-temps de leurs voitures, leurs voisins, lieux de travail et lieux de visite que leurs domiciles devenus assez théoriques, finalement. Même à domicile, au travail et en véhicule, ils ne sont pas strictement là, ils sont au monde connecté. Là, c’est simple, on a un coéfficient « heures sur écran ».

Leurs véhicules leur permettent de visiter, toujours plus vite, plus loin – ces véhicules divers faisant, eux aussi, partie des occupations d’espace-temps représentées sur la carte. L’espace d’une voiture est relativement petite, elle en dispose, pourtant, d’énormément d’espace, sur ses trajectoires. Et en fait, cet espace occupé non-occupé, la chaussée, est maintenue vide pour qu’elle passe, ce n’est pas rien. Une route a une largeur et une lisière, c’est plus un ruban qu’une ligne, quelle est sa dimension latérale ? Quelle allocation donner à l’occupation de cet espace-temps linéaire rubanesque, sur une graphique ? La grande majorité du temps, la chaussée, c’est de l’espace mort, dédié à pratiquement un seul type d’usage, le passage voituresque, parfois qu’une ou deux fois par jour. Comment interpreter cela, sur une carte ? Est-ce que le vide de cet espace l’occupe, comme le vide d’un parc régional naturel s’occupe de rien, sauf ses gîtes désoccupés ? Comment justifier la construction de quelques kilomètres d’autoroute pour l’usage de quelques voitures ? N’y-a-t-il pas la possibilité que la vraie utilisation de cet espace, c’est de fournir un prétexte pour augmenter la consommation, côté production, prétexte récréation, à la marge : transport ?

Les routes rurales auront donc en général une occupation proche de zéro aussi. La corrélation de richesse et d’occupation en révèlera, des choses. L’espace-temps du désert rural, il transparaîtra, est « occupé », très largement, par des habitants qui ne sont pas là. Curieux. Ils occupent sans occuper. Où sont-ils ? Peut-on les représenter comme des étoiles filantes, un peu partout à la fois, au hasard ?

N’est-ce pas qu’une zone inoccupée présente moins de problématiques par rapport à la liberté d’action estatale et privée qu’une zone saturée de gens ? Y-a-t-il lieu pour la création d’une carte de liberté relative, rélative à l’occupation d’espace-temps localisé dans un lieu donné, pour discerner bien le profile socio-économique des populations qui en bénéficient le plus de cette liberté ? Comme cela on peut s’attaquer à la question sensible d’autonomie de choix. Qui a vraiment le choix ?

Une étude rapprochée indiquera que le riches réussissent à relever le défi, malgré cette abondance de moyens, de l’occupation la plus dense de petits espaces dans les grands espaces qui leur sont disponibles, pour établir l’encadrement social qui leur permet d’appliquer un rapport de force, des points de condensation soudaine comme dans le Blitzkrieg. Pour cela qu’ils ont l’impression de l’insupportabilité de la foule pressante, alors que les pauvres ont l’impression inverse, d’être dans un monde de non-sollicitation de leurs dons. Ce sont des mondes parallèles, où les pauvres vivent « chez » les riches, « grâce » à leur générosité, en se taisant, pour ne pas gèner. Qui vit chez qui, comment cela se définit ?

Là où il y a le moins de taux d’occupation, mesuré sur l’axe de l’espace-temps, ils y seront, groupés, les riches, mais seulement de temps en temps. Leur boulot principal ? De construire de plus en plus d’endroits d’espace-temps, magnifiquement approvisionnés en tout ce qu’il faut, ateliers, fablabs, bicycleries, cafétières, chaises, tables, ... qui restent résolument vides la plupart du temps, mais qui témoignent, passivement, de l’influx de riches, venant coïncider sporadiquement de nulle part en « locale », par la magie des téléphones portables et des transports inter-city. Là il y a plein de liens improbables qui se visibiliseront s’ils sont représentés sur la carte.

La sporadicité des mouvements des riches est nécessaire d’abord pour aligner les forces, les pauvres sont obligé de les chasser à ce moment-là. Un bon indice de ce phénomène pourrait être de calculer qui attend pour combien de temps une visite urgente chez le dentiste, et à combien de kilomètres de chez lui? L’arrhythmicité des actes présentielles des riches se fait aussi parce que, sinon, on risquerait de voir des noyaux durs d’occupation, de libre association et de communication entre pauvres, sapant le pouvoir rélatif qui définit et établit le riche en scelle.

La dépériodisation ou dérégulation est donc une autre facette de cette trame de pouvoir nécessaire pour la protection et le renforcement du pouvoir des riches – et leurs attendants, moyennant la précarisation et la dérégularisation des activités en commun en général, pour les rendre ponctuelles et ciblées. On peut aussi appeler ce phénomène l’événémentialisation progressive de toute rencontre.

Un exemple de ce phénomène en marche que j’ai vu récemment est l’affichage des horaires de permanence régulière d’une association sur la porte de leur nouveau lieu d’accueil, extensif et luxurieux, suivi de cinq jours de non-apparence et de fermeture du dit lieu d’accueil pendant ces horaires. Explication/décodage : événementiel/ciblage. Les membres de l’association sont allés chaque jour en visite, ailleurs, sans signaler que ce ne serait pas ouvert.

Les seuls lieux sur lesquels on peut compter pour en tenir à la regularité de leurs horaires, ce sont des magasins pour lesquels la présence d’un clientèle localisé est essentiel, sinon ils ferment. Je ne sais pas comment on pourrait représenter cela cartographiquement, peut-être en établissant les lieux où les horaires de permanence sont mis en valeur, correlées avec la réalité des lignes de force. Le problème serait qu’il est probable que les lieux d’ouverture stable, les lieux « fréquentables », n’auront même pas d’horaires affichés et ne seront que difficilement identifiables. C’est la première loi de l’information : si vous voulez la vérité, ne demandez jamais au bureau qui en est responsable de vous en informer. Allez plutôt demander dans le bureau d'à côté.

Une cartographie qui permet de réfléchir à ce phénomène, croissant, il me semble, serait également facile à représenter, partiellement, moyennant la carte générale de l’occupation de l’espace-temps. Il reste clair qu’un désert rural est la production d’une population riche, qui a l’objectif de la rendre encore plus désertique, tout en assurant le maximum de services réservés à leur seule utilisation, ou munificence d’affichage. La distance parcourue pour obtenir une corbeille de services est donc un indicateur du profile plutonique d’un lieu donné.

Les riches forment des nœuds, des concentrations sporadiques, dans les principaux et plus vastes espaces, mais, physiquement, ils provoquent des clusters, des files d’attente, des embouteillages, là où ils affluent, un peu comme le faisaient les cours ambulants des monarchs itinérants du temps passé, les Macrons du présent, ou n’importe quel événement programmé pour les riches, qui crée vite des goulets d’étranglement (des embouteillages) presque insupérables. Ceci s’applique indifféremment aux raves, aux festivales en tout genre et aux actions militantes des Soulèvements de la Terre ou du CGT. Le dénominateur commun est qu’ils sont tous plus riches que les vrais pauvres, sinon il n’y aurait pas embouteillage.

Comme je l’ai dit, le reste du temps, la vacuïté de ces lieux est assurée par des cadenas, des clés, des patrouilles, des équipes de sécurité et de surveillance numérique. Le plus simple, c’est que rien ne bouge, donc, personne. Cela évite de regarder des heures et des heures de vidéo. Les humains, à ces moments-là – de « temps mort », sont vus comme des encombrants – des risques sécuritaires – puisqu’ils réquièrent toute une complexité très cher payée d’organisation et ils ne contribuent rien à l’organigramme de la possession controleuse qui maintien la structure à flot. Les horaires erratiques et imprédisibles aident dans ce désencombrement, là où les clés accessibles aux seuls adhérents cessent de fonctionner comme force dissuasive, mais la clé et sa possession, ou la combinaison, est en général décisive. Une étude de géographie rurale comparative pourrait établir la fréquence de cadenas par kilomètre carré, factorisée par la densité de population de chaque endroit surfacique.

Ces mosaïques d’espace-temps, reliés par des couloirs de flux, les routes, également inoccupés et d’autant plus que les voitures roulent plus vite, paraissent avoir un seul but, celui d’en exclure la plupart des habitants ou non-habitants, présents ou potentiellement présents. Non sans raison, les véritables habitants ruraux voient ça plutôt de mauvais œil, mais ce problème est en grande partie résolu, de manière pratique et convaincant. Ils n’y sont plus. On peut parler d’auto-nettoyage éthnique. Typiquement, ils se trouvent en péri-urbain, ayant revendu leurs maisons profitablement à des néo-ruraux citadins (secondes résidences). La vaste majorité de l’espace-temps campagnard est géré par des flux tendus de gens pressés, qui n’ont pas le temps d’occuper les espaces qu’ils ont prévus pour le cas où. C'est pour cela, d'ailleurs, que les ruines cadastrées sont bien vues - cela représente l'idéal, des endroits de consommation de espace-temps à la retraite, pleins de latence.

L’exercise paraît être de créer le maximum de brassage, mesuré en distance parcourue et énergie dépensée par kilomètre, pour réaliser le minimum de résultats en termes d’occupation productive efficiente. Ou, si l’on veut le voir d’une autre manière, de produire énormément de latence, de points de chute, de sécurité éventuelle, en prévoyant toutes les possibles usages qui ne sont presque jamais, en réalité, réalisés.

Pendant quelques années cette révelation m’est venue croissante, devenue patente pendant les années de ségrégation et de confinement covides. A ce moment-là, les mots présentiel, distanciel, physico-socialisation, viséo-conference, virtuel, ont vraiment pris leur essor. Il est devenu une nécessité de créer un vocabulaire pour décrire des phénomènes bien manifestes.

Il n’y avait plus personne dans les salles prévues pour leur congrégation, une sorte de silence embarrassé les a remplacé.

où … comment créer un désert rural …


Pour rejoindre les deux bouts, donc, de cette pensée analytique, la richesse et le statut social se sont combinés pour présenter un signal fort. L’espace-temps de la libre-association et de la voie publique, dans son accessibilité, seront dorénavant clos à la plupart des habitants de la terre, et ceci, par une étroite contrôle de leurs mouvements. Dans ce monde, en pauvre, on est obligé de se déclarer sédentaire, raison : inclusion (insertion) sociale, tandis que le droit de bouger ne s’accorde qu’à ceux qui se sont déjà déserrés (accès aux clés). Eux, devenus maîtres de l’espace-temps et de la congrégation, ne seront pas là où ils « sont », mais accessibles exclusivement à ceux auxquels ils accordent le droit de la congrégation. Malin.

La croissance du pouvoir des associations, elle, est réservée à l’usage des « adhérents » (bénévoles, bénéficiaires). Visiblement, les bénéficiaires ne sont là, quand ils sont là – les horaires autorisés de présence sont strictement minimales – que pour justifier les frais énormes de leurs gérants, subventionnés par le gouvernement. Les « responsables » (salariés) se donnent très largement le temps pour l’entre-soi, par contre, restreignant les activités du groupe « clientèle » (patientèle) à des « one-on-one » (accompagnements).

Et tout cela se révèle dans une carte bien ficellée de l’occupation de l’espace-temps, de manière vectorielle, comme pour n’importe quel processus de prédation sociale. Notons que cela a toujours été le cas, on dit depuis l’aube du temps mais moi je dirais plutôt depuis l’avènement de la civilisation, ou de la sédentarisation, qui permettent de moduler ou museler la libre-association.

Civilisation, sédentarisation, colonialisation, c’est un peu la même chose, du point de vue moderniste. Peut-être cela a toujours existé, au moins en embryon ? Les riches, eux, sont autorisés à bouger, les pauvres, cloués sur place. Les pauvres n’ont l’autorité de la bougeotte que dans la retenue et le service des riches, c’est même la seule source de leur salvation. Longtemps j’ai été puzzlé par ces incronguïtés apparentes. Pourquoi un riche qui n’est jamais là s’acharne-t-il autant à prétendre qu’il est de souche, et cela depuis toujours ?

Ce qui a changé, entretemps, c’est l’automisation (atomisation, fragmentation), dite de la révolution numérique, dirons : la révolution des riches, de l’accaparemment chaque fois plus grand de l’espace-temps.

Ce qui a changé, d’ici en amont, est le grand remplacement, de fonctions humaines par des machines, qui rélève la question : pour qui et pour quand ? La réponse est clair : pour les riches, toujours !

Ce qui a changé, dorénavant, c’est l’emploi de l’espace-temps. La principale tâche étant de strier le terrain pour s’assurer de sa non-occupation. Il n’y a rien à y faire ! Même un état entier peut être mis hors courant à l’instant même (Gaza Strip, maintenant). La productivité humaine, mesurée objectivement, a cessé d’exister, celle de ses machines a augmenté en proportion, jusqu’à ce qu’il vire dans une autre dimension. La gestion des ressources veut dire leur immobilisation (sauf en cas d’usage de riche possédant). Et on se demande pourquoi tout ça à l’air de nous rendre malades, nous qui n’avons plus de fonction ?!

Entreprise sociale de l’occupation de l’espace-temps


L’idée est relativement simple : je propose d’être payé pour mon occupation de l’espace-temps des lieux prévus à cet effet, mais qui seraient sinon fermés et non-accessibles (la plupart du temps) aux populations desservies (théoriquement). Mon paiement, ce serait mon occupation, ma récupération de l’espace-temps, ma permanence permettant à d’autres la co-utilisation de l’espace (grégarienisme). Cette tentative d’entreprise socialement utile permettrait au moins de faire une sorte de sondage des raisons affichées pour refuser mes services.

Il y a similitude de cette attitude avec le concept du voyage lent, le ralentissement du temps augmente l’occupation de l’espace par des êtres sentients et ainsi les possibilités d’interaction non-léthale avec des créatures qui ne bougent pas à la vitesse de la lumière (ou de la voiture). L’affaire est relativement solide en termes de computation. Cela donne des co-efficients d’efficacité de l’occupation de l’espace-temps, vectoriellement parlant. L’idée est de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Le mouvement, l’occupation, l’association ont tous leurs rôles, calculables de surcroît, mais ne sont plus des simples quantités, sinon des produits factoriels des relations entre plusieurs. La mesure indexe étant toujours le niveau d’occupation de l’espace-temps (en "corps humains").

Celui qui dit relation dit auto-organisation. Celui qui dit auto-organisation dit organisation toute courte. L’organisation des relations la plus efficace se fait par les organismes eux-mêmes dans les plus compacts coordinations spatio-temporelles réalisables, minimisant l’utilisation nécessaire des ressources énergetiques. Il y a donc urgence à appréhender que la capacité d’allumer ou éteindre un pays entier, avec un seul bouton, est un critère d’excellence organisationnelle qui se fourvoie. L’idéal organisatif, entropiquement, serait que l’individu avec son doigt sur le bouton rouge serait entièrement impuissant, les événements passant à de toutes autres échelles et par de tous autres détours et machinations.

Propriété


Nous avons eu, longtemps, l’habitude de voir l’occupation de l’espace en termes de sa productivité. Les fiefs des seigneurs cumulés, cadastrés, équivalaient à telle quantité de blé, de bois, de richesse. C’est d’ailleurs du capital qu’on parle, à l’origine.

Mais une chose quéruleuse s’est passée, entretemps. La marque du riche est devenue sa capacité d’« occuper » l’espace – le terme est abusif du sens – pour ne rien y faire. Ou bien, pour y faire quelque chose de temps en temps, sporadiquement, de nouveau. On ne sait jamais quand viendra l’homme, avec son tracteur, sa girobroyeuse, sa chevrotine son chien, on sait juste que c’est une mauvaise nouvelle – tout doit disparaître, comme dans les soldes.

Sa solde, en effet, c’est la valeur de son bien, cash – ou bien « plastique », c’est une valeur plastique, un art plastique, la conversion de biens en stipends.

Tout cela pour dire que si l’objectif premier de cette affaire, la propriété, était productif, elle est devenue maintenant purement relative, elle ne peut plus rien produire, en termes physiques, et tant mieux, elle fait fonctionne de pouvoir, cet avoir, et rien de plus. Elle est virtuelle – et sa physicité aussi. C’est ce qu’on appelle la dématérialisation, mais où est partie toute cette matière ? Elle a toute l’apparence de s’être vaporisée. Si la richesse, c’est le sol, nous vivons une époque ou l’atmosphère et les fonds des océans prennent tout, ne nous laissant rien. A quoi bon, donc, la propriété ? C’est peut-être pour cela que l’axe de mouvement de la civilisation est correlé à l’existence, purement notionnelle, de la propriété – et ensuite l’accès à la propriété, notionnellement pré-occupée.

On se prépare pour le pire, le moment où la propriété peut de nouveau valoir quelque chose, en termes de production concrète (VER - valeur écologique rajoutée).

Vous pouvez me faire l’observation, avec une partie de raison sans doute, que la propriété, de quelque type qu’elle soit, mais surtout du type « rapport de force » et non pas usager, vaut déjà notre alimentation, mais dans ce cas, pourquoi est-ce que cette propriété vaut si peu, dans les pays où elle vaut encore quelque chose, les pays pauvres ? Par rapport aux pays riches, par mêtre carré, elle ne vaut rien du tout. Elle vaut d’être conquise, et mise en valeur.

Il est légitime, donc, de dire que la valeur est purement rélative, elle ne fait que symboliser le rapport de force que l’on tente de créer entre êtres humains, y inclus l’entretien de peu de valeur où la plupart de la valeur est produite, et beaucoup de valeur là où le moins de valeur est réellement produite, y inclus tous les moyens matériels non-humains qu’on a trouvé, principalement les machines, pour que ce soit ainsi, les industries tertiaires, les armements, la securité, qui renforcent ces valeurs tordues, puisque qui mange le pétrole, le petrole qui fait 70 % pour cent de notre production, mais qui le mange, vraiment ? C’est dégueulasse, vous avez essayé ? C’est l’un des principes favoris des écolos, de dire qu’on peut vivre du prana, tellement peu qu’ils nous faut pour vivre, tandis que pour un capitaliste pur souche, le monde entier ne suffit plus pour produire le « nécessaire » (confort, facilité, réalisme).

Cette multiplication de moyens qui ne servent strictement à rien, moins deux et comptants, qui nous amène gracieusement vers la chute libre pour l’éternité écourtée. Disons que l’efficience énergétique est devenue contre-productive, dans l’économie de la production-consommation, puisque ce qui n’est pas produite ne peut pas être consommée, et ce qui ne se consomme pas n’a pas de raison d’être produite. Bien entendu que la production, dans ce cas, c’est la production de survalue, d’intérêts et de l’or, le reste est immatériel.

Plus le riche produit donc, à sa façon, plus il a de pouvoir, même s’il n’a pouvoir sur rien de tangible, de telle manière que sa production est devenue, peu à peu, purement sociale (=anti-sociable).

En cela il ne divague pas du principe de l’organisation de la matière, qui trouve sa meilleure expression dans le concept « jardin ». Il ne faut pas oublier que l’inception de l’humanité, version civilisée, a eu lieu … dans un jardin, selon les rapportages de l’époque.

Dans un jardin, au contraire de l’agriculture, le but est de faire qu’il se fasse le maximum, sans presque rien faire soi-même, idéalement. Cela paraît conra-intuitif. N’est-ce pas que le jardinage, c’est du boulot, du boulot physique, en contact avec la terre, et que les justes récompenses de cette labour, ce sont les fruits de cette terre, cette terre « cultivée » ?

Absolument pas. Le meilleur jardinier, c’est celui qui investit la plupart de son temps à observer (surveillance), assis sur un banc, un talus ou au milieu de sa parcelle, à mâcher sa paille et regarder le temps passer. Il observe une limace, en train de dévorer ses jeunes pousses, il la chope et il la jette, et en ceci il ne fait ni plus ni moins que le capitaliste qui surveille son royaume pour repousser tout intrant.

Il enlève les mauvaises herbes pour laisser prospérer les bonnes, bonnes pour lui, mais par des circuits parfois très indirects. En fait, il fait un travail surtout intellectuel, plus il a de connaissance des espèces et de leurs interactions, moins il aura de travail à faire lui-même. Il lui suffira de leur assurer leur place et de la nier au nuisibles. S’il fait encore mieux son travail, les plantes auront déjà trouvé leur place, il n’aura même pas à les planter. Pour cela aussi que tout ce qui se fait dans le jardin peut être réduit à un processus de tri : favoriser, défavoriser, metrre à l’ombre, au soleil, protéger du givre, exposer aux éléments, déssècher, réhumidifier, mais finalement, si le dessein est bon, cela se fait « tout seul », c’est-à-dire, le vrai travail n’est fait que par ceux qui ne le considèrent pas un travail, est consiste à …

S’entrebouffer


Vous n’allez pas me dire que manger, c’est un travail, quand même ? Cependant, notre devoir citoyen paraît de plus en plus être « consommer ». Il est vu comme déloyal de ne pas consommer, dans une économie de pays riche. On demande les moyens. On nous subventionne. Le vrai travail d’une vache est de ruminer, ne l’oublions pas. Mangeons les fruits du jardin, nous aussi, c'est un ordre.

Dans un jardin, donc, le travail n’est pas le travail, la loi du moindre effort domine et sans manger, il ne s’y produirait rien – un peu comme dans le désert rural français. Les pauvres agriculteurs prennent le contre-pied et vivent des vies d’enfer, entourés de machines et d’insalubriété industrielle, sans jamais sortir de leurs machines, dans des paradis terrestres qu’ils n’ont pas le temps, ni l’espace d’apprécier. Ce sont des travailleurs, et par tous les comptes rendus, des travailleurs malheureux. Le travail qu’ils exécutent est un vrai travail – c’est de la torture, ce qui explique, sans doute, qu’ils en veulent terriblement aux fainéants, ceux qui mangent sans travailler et avec plaisir. Eux, leur boulot, c’est de détruire la terre, ils ne peuvent même pas s’aimer, pour cela, ce qu’ils aiment, c’est donc le masochisme et la souffrance productive – le travail.

Comme je l’ai dit, l’agriculture est un cas social rural à part et n’a rien à voir avec le jardinage – les buts ne sont pas les mêmes. En tous cas, c’est une analyse plutôt historique qui est faite ici. Les agriculteurs ne font plus partie, sauf en nombre infime, du paysage fonctionnel rural – ils sont déjà disparus, comme les hobbits et homo florensis. Bientôt, si les choses continuent comme ça, les machines les remplaceront entièrement, dans un travail duquel on demande à quoi ça sert ?

Par exemple, en Ariège, il suffit d’un seul opératif humain, qui passe la plupart de son temps en voiture, pour desservir plusieurs carrières. En Lozère, j’ai moi-même vu un ouvrier arriver dans une entreprise Lafarge, au petit matin, pour accomplir un seul geste. Il a appuyé sur un bouton et l’usine entière s’est mis en marche. Et oui, cette opération a bien des parallèles dans la technique « jardin ». Les carrières « mangent » le paysage, tout le paysage, si on les laisse faire. Coïncidence ? Par contre, les machines agricoles, plus proche philologiquement des valeurs du jardinage, ne font que l’aplatir, avant de procéder à l’élimination de toute végétation et toute vie animale. Ceci donne un mauvais exemple aux jardiniers susceptibles.

Les écologistes qui aiment bien regarder ce paysage sans y toucher (ce sont principalement des « hors sols ») sont très agités, qu’est-ce qu’ils feront s’il n’est plus là ? C’est vrai que les grosses machines des carrières mangent déjà beaucoup de paysages. Mais je pense que ces écolos voient le monde à l’envers. C’est parce qu’eux, ils prennent tous des voitures pour aller regarder le paysage que le paysage disparaît. Aller voir, il faut qu’ils arrêtent ça, déjà. Je suis sûr que c’est l’argument que déployera, sans hésitation, le seul carriériste restant en Ariège. Son sale boulot, s’il ne le faisait pas, quelqu’un d’autre le ferait, et en tous cas, ce n’est pas de sa faute si la demande est là.

L’individualisation des responsabilités et leur démarcation est une étape importante dans l’étayage d’une philosophie d’exculpation et résignation individuelles (l’écologie profonde). Dans un monde industriel, cette stratégie d’irresponsabilisation, des fins du mois, est presque obligatoire, sinon rien ne va. On la voit partout, cette philosophie décrite et analysée par Anna Rhendt, notamment, dans les camps de concentration, dans les hiérarchies gérantes, à chaque échelon de la société. « J’ai juste fait mon boulot », comme une machine.

Bin, maintenant, c’en est, une machine. Qui le fait ? Il est un peu normal qu’on ne sait plus qui fait quoi, ni pourquoi. Ca se fait pas, ou plus, en général. Des mitraillettes qui se tirent toutes seules, des tronçonneuses qui tronçonnent, des voitures électriques qui se transportent, des conteneurs qui se transportent et qui se rangent, la terre est devenue un énorme jardin (parking lot - lots of parking) pour que les machines se mangent pour nous. Bien sûr que ça ne marche pas, mais c’est ainsi conçu. En réalité, ça marche, mais pas pour nous. Les machines ne s’entre-mangent pas – c’était l’erreur délibérée dans la phrase précédente – ils nous mangent. Le pouvoir vertical humain se coupe l’herbe sous ses pieds, sciemment, parce qu’il est fait pour cela et il ne sait pas faire autrement.

Je pense que les gens pensent qu’il est incroyable d’avoir une vision si négative, si dépréciative, du monde dans lequel nous vivons, mais dans mon jardin, tout allait bien, jusqu’à ce qu’on vint briser l’ensemble, le collectif, dans son entièreté, pour m’atteindre à moi, pour établir la « propriété ».

C’était le positif, qui me remplissait de joie. Je pense positif, le négatif que je décris est un effort de description à but de l’évitement des crimes contre la terre comme des crimes contre l’humanité – il est important de se sentir ensemble. J’espère convaincre, en montrant d’un côté comment ça marche, en mourant, de l’autre comment ça marche bien, en vivant. Qu’on me dise que je ne suis pas pro-négatif, je le veux bien, j’en suis flatté, même, de la reconnaissance.

Qu’on me dise qu’on voit le verre plutôt moitié plein, je crie : « aux armes ! » Quel verre ? Celui des riches ? Quelle terre, celle des pauvres ? Si je tente de migrer chez les riches, ils n’en veulent pas de moi. Si je retourne à la terre, je suis mort. Quel verre à moitié plein ? Quelle terre ? On me la mange sans que j’en mange, comment puis-j’en être content ? Ma terre, elle n’est pas à moi.

Pauvres et Riches


Quand je dis « riches », ou « pauvres », il faut reconnaître que je ne suis pas du tout content de cette terminologie et encore moins de mon usage des concepts. Par exemple, tout-à-l’heure, j’ai du inventer un lien : « les dépendants des riches », un autre « la retenue des riches », pour accommoder le fait qu’il y a des gens attachés aux riches, d’une manière ou autre, susceptibles de soutenir les valeurs des riches et qui, si l’on votait, feraient le poids électoral qui faisaient gagner les pro-riches dans les élections. Qui ne sont pas, eux-mêmes, riches, j’ai hâte de rajouter, s’il y avait un doute.

Les riches eux-mêmes, étant par définition numériquement inférieurs aux pauvres et ceci d’autant moins qu’ils sont plus riches, ne font même pas le poids, aux élections, pour gagner, et peuvent même voter contre leur camp, pour des questions de conviction plutôt que d’intérêt. Il arrive qu’un riche, il ne s’aime pas, parce qu’il est riche, c’est même assez fréquent et je le comprends. Ce qui peut expliquer qu’une bonne partie de leur richesse est investie dans le dupage des pauvres et les pauvres riches pour qu’ils votent contre leurs propres intérêts. Si les pauvres ne sont pas dupes, il y a toujours la menace.

Pour les pays riches – les pays dits riches, c’est à peu près le même scénario vis-à-vis les pays pauvres. Les populations civiles (c’est un peu comme une guerre en continu), le peuple, quoi, des pays riches sont plus ou moins clients de la richesse de leurs pays – des dépendants, assistés, même si la plupart de l’assistance sociale est réservée au classes médianes, encore des riches. Pour prendre la mesure de ce phénomène, je dirai au hasard que la probabilité qu’une population migrante des pays pauvres vote en faveur de politiques qui favorisent les pauvres est proche de zéro, ils voteront pour la richesse, yeux rivés vivement vers le haut. En ceci, ils ne feront ni plus ni moins que ce qu’ils ont fait ou feraient dans leurs pays d’origine, étant donné qu’ils viennent, majoritairement, des élites et oligarchies de ces pays, pour lesquels il y a toujours plus haut, plus loin. Et oui, ces effets se passent à plusieurs échelles fractales à la fois, et de manière souvent interconnectée.

On pourrait dire qu’ils sont plus conservateurs, en général, que la population hôte. Que la gauche est soutenue, aujourd’hui, plus par des personnes d’origine socio-éducative haute que basse, par rapport à la droite. Que c’est devenu l’extrème-droite qui reçoit la vote populaire, ouvrière et immigrée intégrale.

Et qui peut donner tort à tous ces gens ? Ce qu’ils font est assez logique. Les jardiniers de la politique, les Ellen Musks, Présidents Poutines, etc., essaient d’exacerber ces tendances, en enflammant de nouveaux fronts, anti-intellectuel, anti-pacifiste, anti-faible, anti-groupes minoritaires, pour bien pourrir la situation et pour éviter la création de foyers humanisto-idéologiques qui pourraient leur faire face. Ils jardinent industriellement, bien sûr, avec tous les nouveaux gadgets, en sillonant régulièrement les vastes champs de désaccord pourque aucune mauvaise herbe de décence humaine ne puisse jamais prendre racine.

Il doit y avoir des analyses beaucoup plus fines, sociologiquement, que celle que je viens de faire, mais attention, la sociologie industrielle n’est pas fine, elle broie tout, indifféremment. Come tout procédé industriel, la complexité non-ordonné (par soi) est perçu comme une menace, broyée et réconstituée, pour être sûr que « ça marche ». « Ça », c’est le processus qu’on a prévu, n’importe lequel, c’est la confiance dans sa capacité de nuisance qui compte, à ce stade-là. La meilleure manière de prédire l’avenir est de l’exécuter, après tout, selon la mentalité industrielle. C’est pour cela que dans une situation d’emprise industrielle, la disruption des plans viendra toujours d’un cumul des marges – des « non-prises en compte » qui s’accumulent au bords du champs de bataille. Il est rélativement facile de déstabiliser un processus industriel, c’est pour cela que la plupart de l’effort industriel est dédié à éliminer la capacité d’auto-organisation de ces marges, pour prevenir, justement.

La campagne est vaste. Elle est difficilement controllable. La meilleure solution industrielle à ce potentielle menace est de la coloniser avec des pro-industriels qui défendront les intérêts des riches, qui ne sont qu’infréquemment là, en défendant ce qu’ils imaginent être leurs propres intérêts – la propriété. Les diasporas, ce sont les coloniaux, habituellement bien plus socialement conservateurs que ceux qui sont restés dans le pays d’origine. Et tous ces gens, pour les encapsuler, on utilise la rubrique « hors sol », dans le contexte industrio-numérique actuel.

Ou bien les riches et leurs dépendants, même s’ils sont en réalité pauvres. Ils restent les dépendants des riches.

Peut-être la menace idéologique la plus profonde à ces intérêts très marqués, c’est la menace d’une politique stable « pro-pauvre ». Il faut cependant établir le sens précis de cette expression, même si le sens est sans nuance et bien exacte dans la phrase donnée. Une politique pro-pauvre est une politique qui favorise la pauvreté, pas une politique qui rend les pauvres plus riches. Il détruit le pouvoir des riches, jusqu’au point où il n’y a plus aucun intérêt social ou économique à être riche.

A ce moment-là, certains esprits bien avisés diront « Aah ! Là je sens des propositions bien révolutionnaires ! » Le pape François, le Saint François et Jésus lui-même n’ont pourtant pas cessé de promulguer la doctrine qu’il est plus difficile pour un homme riche de passer au paradis que pour un chameau de passer par le chas d’une aiguille. Si c’est révolutionnaire, cela ne date pas d’hier.

L’héresie moderne est en effet de suggérer que tout le monde n’a pas son prix. La tâche des tortureurs de Big Brother en 1984 était, après tout, de trouver le cauchemar individuel qu’ils allaient administre sur chaque detenu, pour le faire parler, pour le soumettre.

Renoncer à la richesse, c’est renoncer à son prix d’achat, se rendre insoumissible, refuser le rapport de force. Est-ce vraiment si révolutionnaire que cela ? Et pourquoi est-ce que cela provoque autant d’hostilité chez les friands de la liberté ?

A cette dernière question rhétorique il y a une réponse rhétorique. C’est un chemin envers la liberté qui menace le leur. Un pauvre, selon cette doctrine, est quelqu’un qui manque la capacité d’être riche. Il est moins performant et moins apte à la survie. Il est limite fardeau, il ne porte pas son propre poids, il est probablement parasitaire, sur les efforts, capacités et performances des bons bosseurs. Il est bon à rien – il vous sort le pain de la bouche. Il est contre le progrès, l’inventivité, le développement, tant personnel que civilisationnel. Il vit dans sa crasse, étant trop fainéant, même, pour se dépasser, ou se respecter. Un pauvre, en somme, n’a même pas lieu d’être là, là ou un riche, dans son plein droit, occupe la place qu’il a gagné de par ses talents, son courage et sa perserverance.

Comme vous pouvez le constater, cette doctrine est non seulement parlante, étincelante d’expressions et d’idées reçues qui nous sont toutes familières, mais elle a même l’air de contenir des notes de vérité. On peut tolérer les pauvres, mais seulement jusqu’à un certain point. Ce point est celui où ils nous menacent dans notre propre richesse.

La tâche intellectuelle et idéologique d’honorer la pauvresse est donc difficilement lançable. Cette difficulté naît d'une confusion entre deux états différents. La pauvreté digne et solidaire, la pauvreté précaire et involontaire. Excusez-moi la pauvreté de mon élocution, je ne suis pas intellectuellement équipé pour m’exprimer mieux que ça. La déterioration de mon état mental se démontre par l’appauvrissement de mon expression. Mes ressources sont maigres. Pour démontrer jusqu'à quel point la stigmatisation de la pauvreté est imbriquée dans notre langue de tous les jours.

On dit que personne ne veut vraiment être pauvre, en ciblant la deuxième catégorie, la pauvreté involontaire, chemin faisant, la servitude volontaire. On fait l’amalgame des deux, en disant que sans capital, sans réserves, on manque de résilience (pensée survivaliste). On remarque que la pauvreté est dans la tête, comme si on était personnellement responsable pour son état pitoyable, qu’on peut être riche tout en étant pauvre et l’inverse, que cela dépend de la définition de ce qu’est un pauvre. Son héritage.

Dans une époque où le statut des machines, par rapport aux humains, est si fort, l'humain tout seul sans avoirs, sans biens, a moins de statut que celui qui est accompagné, par un véhicule, par un portable. Avant, ses accompagnants, c'étaient des hommes, des femmes, des bêtes.

Qu’est-ce qui se passe si la pyramide socio-économique s’aplanit, si la différence riche-pauvre commence à diminuer ? Toutes les vociférations ci-dessus deviennent bien moins importantes, on n’y prête plus beaucoup d’attention – il y a d’autres choses dans la vie que l’argent. C’est assez clair et net, nous venons de vivre une époque où c’était le cas, la pyramide du pouvoir a été le plus plat vers 1973, paraît-il. Les idées de cette époque, on constate, sont justement associées avec l’indifférence à l’argent, l’aspiration à l’épanouissement personnel et social, plutôt qu’à l’enrichissement, la rupture du lien aujourd’hui vu comme nécessaire entre l’argent et le pouvoir.

pour quoi la pauvreté ?


On commence à entrevoir quelques réponses. La pauvreté, non-stigmatisée, assumée, permet de penser à d’autres priorités que celle d’assurer, d’abord, ses propres bases (la charité commence chez soi).

Au contraire, elle permet de s’assurer que les bases des autres sont aussi solides que les siennes (solidarité). Cette assurance se mutualise, humainement. Le rapportde force perd du terrain. Toute une gamme de mesures sécuritaires et préventives deviennent innécessaires.

schéma : comment la pauvreté ?


cadre rapport but définition discours axe

écologie vital.e favoriser la pauvreté adominant.e inconforme ♄

économie social.e sortir les gens de la misère dominant.e orthodoxe ☿

cadre
rapport
but
définition
discours
axe


écologie
vitale
favoriser la
pauvreté
adominant.e
inconforme


économie
sociale
sortir les gens de la
misère
dominant.e
orthodoxe


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