mercredi 7 juin 2023

internet invasif

On pourrait parler d'architecture du système, de l'équilibre de pouvoirs, entre le citoyen et l'administration. Il y en a qui parlent de la futilité de s'en prendre contre les décisionnaires, alors que finalement, le système détermine bien plus que ses titulaires humains.

Ou bien, on peut commencer par aborder le caractère, la manière d'être des associations, des institutions d'aujourd'hui, qui est plutôt révélatrice d'une certaine malaise sociale.

Très peu de gens assistent volontairement à des réunions, des assemblées générales, et de moins en moins. Pendant un temps, j'ai pensé diviser les gens en types - ceux pour lesquels les réunions représentaient la normalité, ceux pour lesquels ils représentaient l'insupportable.

On se retracte, des réunions physiques, le distanciel est moins intense, plus facile à supporter.

Ce n'est pas vrai!

Ce qui est vrai, c'est qu'il y a délocalisation physique, une sorte d'interventionnisme colonial, un régime de clés, de cadenas et de clôtures, détenus par des ayants droits en distanciel. Il y a quelque chose qui fait rigoler là-dedans, quand même - les gens communiquent leurs codes par sms, pour fermer les lieux contre l'intrusion physique, alors que, informatiquement, ce sera toujours le captage de codes qui permettra l'ouverture des lieux. Le mystérieux malfaiteur, cambrioleur, squatteur, ... est une espèce en voie d'extinction, il n'a que sa présence physique pour se faire valoir, et ce n'est pas le suffisant.

Ceux qui ne sont présents que localement sont déscomptés.

artificialisation des sols

Quelle blague, cette histoire de zéro artificialisation des sols! La réalité est une augmentation de l'artificialisation des sols. Ces abus de langage nous laissent sans mots.

Plus loin, on se rendra compte que la mise en oeuvre de la "zéro artificialisation des sols" rend plus facile, plus lisse, la continuation de la destruction. Plus loin, on se rendra compte qu'à peu près chaque critère de l'artificialisation des sols est une masquérade, que les pavillons contiennent les dernières restes de la biodiversité, que les friches, désignées pour être développées, sont les plus riches niches de récrudescence de la vie, que les exotiques et les invasifs sont les seuls créatures qui restent assez costaudes pour engendrer la vie.

Vus sur la carte, donc, les seuls endroits qui donnent de l'espoir sont devenus indétectables et invisibles, puisque déjà considérés artificialisés.

carte topologique de notre déroute

Une autre manière de visualiser la nature de ce cataclysme, cette frénésie de destruction, presque à notre insu, c'est de nous considérer comme une espèce qui est en train de se fragmenter en plusieurs espèces, par des simples mesures de rayon d'action physique.

Il y a, selon cette vision des choses, des espèces qui restent locales, qui sortent très peu de l'habitat dans lequel elles sont physiquement localisées. Ensuite il y a les inter-métropolitaines, les internationales, les intercontinentales.

Chaque espèce forme des cercles de sociabilité qui ne se croisent guère, surtout qu'en mouvement, elles sont contenues dans leurs bolides, trains, cars, ... et que leurs instruments, supposément de communications, en réalité limitent leurs communications à leurs seules cercles de connaissances.

Le cadre naturel - l'environnement, a été complètement sous-estimé comme facteur d'influence sur la composition de la sphère sociale, on s'en est aperçu comme une limite du pouvoir, qu'une fois dépassé, ouvrirait de nouvelles horizons, de nouvelles possibilités dans l'exercise de sa volonté de puissance - par alliance ou attachement aux plus puissants - ceux qui sont capables de "s'imposer" sur le maximum de strates de l'écosphère.

Mais les interactions des plusieurs formes de vie sont déposées sur la terre comme des strates d'interconnectivité qui permettent l'émergence de formes stables - d'écosystèmes, qui ne sont autres que des systèmes d'autorégulation efficaces, parce qu'elles déploient toutes les forces présentes sur le terrain. En s'éloignant de cette autorégulation, on se met à la place d'un dieu qui n'a jamais existé.

Historiquement - et encore dans plusieurs têtes aujourd'hui, le monde est si manifestement une oeuvre d'une finesse magnifique qu'il lui faut un grand ingénieur, ou architecte. Mais au contraire, c'est l'absence de cette puissance suprème qui rend possible l'autocomposition telle qu'on l'observe, l'absence d'un dessein, l'absence d'une maquette, l'absence d'un système chiffré.

Qui profite le plus de cette éruption de modellisations - cette artificialisation d'un écosystème libre ? Surtout les architectes-paysagistes ! Ceux qui "savent", mais qui, en réalité, ne savent rien. Le concept même d'artificialisation communique cet abandon du savoir, puisqu'il fait naître son inverse, la terre laissée à "la nature", où, cette fois-ci, l'on abandonne toute prise sur le sol. C'est une politique de tout ou rien, nulle part est-ce que les êtres humains trouvent leur place, sans s'y imposer, selon cette diagnostique.

Mais ce n'est pas les humains en général qui imposent, sinon les architectes en particulier, ici et maintenant. C'est une guerre de modèles, le modèle hierarchisé contre le modèle autoconstructeur. Nous vivons dans une maquette d'architecte, c'est vrai, mais nous y faisons quoi? Comme les autres animaux, on fait ce que l'on peut.

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